La crise financière n’en finit pas de surprendre les économistes, elle défie les règles comptables, il y a une bonne raison à cela : ce n’est pas une crise due à une mauvaise gestion des banques, des erreurs ou un disfonctionnement du libéralisme, la fin d’un système, mais une guerre menée par Washington contre l’ensemble de ses adversaires et concurrents. Et comme toutes les guerres, la victoire appartient à celui qui gagne du terrain.
La crise a commencé avec les annonces de déficit voire d’une possible faillite de Freddie Mac et Fannie Mae, deux organismes américains de financement d’hypothèques qui fonctionnent grâce aux emprunts d’Etat ou obligations (bonds) qui sont des placements financiers très sûrs. La Chine a été en première ligne des victimes potentielles après ces annonces car elle possède 397 milliards de dollars d’obligations de ces deux institutions. Suite aux annonces, le 7 septembre, le gouvernement américain a pris l’engagement d’injecter 200 milliards de dollars dans les deux organismes pour combler leur déficit, et les a placés sous sa tutelle [1]. Un interventionnisme bien généreux, cousin germain du plan Paulson.
Les Chinois ont félicité Washington pour avoir sauvé leurs investissements, mais dans le même temps, les obligations qu’ils détiennent n’ont désormais plus leur valeur initiale et ils ne peuvent plus les revendre. Les banques qui détenaient ces obligations ont donc également perdu de leur valeur : leurs actions ont baissé. Dans l’opération, l’Amérique n’est pas devenue plus riche (bien que la valeur de sa dette soit diminuée), mais ses créanciers sont devenus nettement moins riches car ils sont en possession de titres en chute libre et doivent puiser dans leurs trésoreries (leurs réserves en devises) pour combler leurs pertes ainsi que garantir les avoirs des clients des institutions financières touchées.
Il n’y avait pas que les chinois : tous les pays ainsi que toutes les banques privées ont été touchés à diverses hauteurs selon le niveau de leurs investissements sur ces titres de créances américains qui ne valent plus rien dans l’immédiat. Cependant ce ne sont pas les banques chinoises ou japonaises ou encore britanniques très touchées par la chute des obligations américaines qui ont fait état de pertes et de faillite, mais trois autres importantes institutions financières américaines, Lehman Brothers, Merrill Lynch et AIG. Leurs annonces publiques de faillite suivies des plusieurs appels au calme ou d’annonces de plans successifs de sauvetage ont servi de facteurs déclencheurs. La panique a gagné tous les pays et les bourses ont chuté.
Avant ces annonces anxiogènes, véritables bombes, la plus grande discrétion régnait et règne encore dans tous les pays concernés. Les principaux intéressés n’ébruitent pas leurs pertes plus particulièrement les Russes et les Chinois. On peut établir une estimation de leurs pertes sur la base de l’onde de choc chez les Européens où les règles démocratiques imposent plus de transparence.
Le pays indicatif pourrait être l’Allemagne qui avec 41 milliards de dollars d’investissements est le 14e dans le palmarès des Etats détenant des obligations américaines. Pour renflouer Hypo Real Estate, la 4e banque du pays, Merkel a dû dépenser 50 milliards d’euros, soit 68 milliards de dollars, c’est-à-dire une somme bien supérieure aux investissements allemands sur la dette américaine.
On n’ose imaginer les dégâts provoqués chez les champions de placement sur les titres de créances américaines. A quelques exceptions près, tous avaient augmenté leurs investissements au cours de l’été dernier en raison d’une baisse anormale des cours de l’ensemble des obligations américaines à partir du mois d’avril 2008, qui est également la date du début des spéculations boursières américaines qui ont fait exploser le prix du baril.
Les deux manipulations sont sans doute liées : A partir d’avril 2008 et la baisse des cours des obligations, chacun voulait attraper le pus possible de ces titres qui devenaient de plus en plus rentables. La hausse artificielle du baril a servi de locomotive pour relancer les achats des obligations bon marché : La hausse artificielle du baril a boosté les revenus des Arabes de l’OPEP et leurs investissements ont augmenté au rythme incroyable de 15% par mois à partir du mois d’avril 2008.
Au dernier pointage en juillet 2008, le Japon détenait 593 milliards de dollars (G$) d’obligations aujourd’hui sans valeur, la Chine détenait 519 G$, La Grande-Bretagne : 291 G$, les Arabes du Golfe : 174 G$, le Brésil : 148 G$, les banques off-shore où repose l’argent blanchi des mollahs et des mafieux : 133,5 G$, le Luxembourg : 75 G$, la Russie :74 G$ ; Hong Kong :61 G$, la Suisse :45 G$…
Les banques off-shore sont dans une situation grave. Les boursicoteurs particuliers sont rétamés. Et les Etats doivent injecter de colossales quantités de devises prises dans leurs réserves pour sauver les banques touchées afin de garantir les avoirs de leurs citoyens et leurs industriels. Ces derniers sont touchés : leurs actions se cassent la gueule.
Chaque Etat intervient pour sauver ses secteurs financier et industriel afin qu’ils ne soient pas rachetés par des investisseurs étrangers parmi lesquels certaines banques américaines qui ont fait de juteuses affaires dans les premiers jours de la crise et les américains qui peuvent compter sur l’apport de nouveaux investissements sur les obligations américaines, investissements nécessaires pour renflouer les Freddie Mac, Fannie Mae et consoeurs si chacun veut récupérer ses billes à la fin.
Parmi les Etats concernés, la Chine est particulièrement touchée car au cours de cette année de grandes dépenses dues à l’organisation des JO (les plus chers de l’histoire) [2], elle a dû puiser dans ses réserves pour payer ce baril cher et pourrait se retrouver à court de devises pour financer l’ensemble de ses pertes.
En somme, par une stratégie très avisée, les Américains ont financé leurs dettes et crédits avec les moyens de leurs concurrents chinois, arabes et européens, avant de trouver un moyen subtil de semer la panique en simulant des déficits successifs de 5 (2+3) des plus importantes d’entre elles. Ainsi les Américains ne sont pas devenus plus riches, mais leurs adversaires sont devenus moins riches. Dans une guerre, quand les pertes de l’ennemi sont supérieures aux vôtres, c’est la victoire. Mais ce n’est qu’un début !
Les Etats qui sont ces jours-ci obligés d’intervenir pour sauver leurs industries en puisant dans leurs réserves en devises ne sont qu’au début de leurs peines. Ils doivent restructurer les industries et les banques touchées : leur taux de chômage augmente ainsi que leurs charges. Ils ont injecté des capitaux : leur inflation augmentera et la valeur de leur monnaie baissera. L’euro est déjà en recul face au dollar : c’est une autre conséquence de cette guerre économique. Finalement, pour compenser ces hausses ou pertes sèches, ils doivent décréter des plans de rigueur et augmenter leurs impôts ce qui va influer sur la rentabilité de leurs industries. C’est une victoire par KO pour les Américains qui n’auront pas ces problèmes car rappelons-le, ils ne sont pas devenus plus riches, c’est nous qui sommes devenus moins riches.
Enjeux géopolitiques. Cette guerre qui relance le dollar (et fait baisser le pétrole) a été en fait une guerre géopolitique contre d’une part l’Euro et d’autre part la Chine et les économies asiatiques (l’OPEP y a perdu aussi des plumes, Dubaï est ruiné).
Pendant longtemps, l’Amérique a essayé de prendre le contrôle de l’ensemble du marché pétrolier par la guerre, dont plus particulièrement celle de l’Afghanistan qui devait lui donner un couloir d’accès à l’Asie Centrale, région actuellement enclavée qui pour cette raison est devenue un réservoir en hydrocarbures exclusivement contrôlé par la Chine et la Russie. Cette dernière achète du gaz en Asie Centrale au prix de 170 dollars les milles mètres cubes et les revend 400 dollars aux Européens, alors que la Chine achète une partie de ses besoins gaziers à 170 dollars directement aux producteurs nationaux d’Asie Centrale, ce qui la rend plus compétitive face aux Américains et aux Européens.
Si l’accès vers cette région est rétabli (par des gazoducs sécurisés), les majors pétroliers américains (qui financent les candidats présidentiels américains) pourront contrôler les prix et donc la croissance de la Chine et en même temps priver la Russie de la moitié de ses revenus gaziers !
La guerre en Afghanistan n’a pas permis de réaliser cet objectif majeur pour assurer l’hégémonie mondiale des Etats-Unis sur leurs concurrents directs. L’Amérique s’est alors tournée vers les mollahs en menant une petite guerre économique (sanctions) pour les forcer à composer avec elle pour lui donner un couloir d’accès à l’Asie Centrale. Cette autre guerre avait pour objectif de priver l’Iran d’investissements étrangers et ne ciblait que lespartenaires commerciaux non-américains de l’Iran. C’est le même modèle de raisonnement : l’appauvrissement des concurrents des entreprises américaines. Ceci a également échoué (jusqu’à aujourd’hui). Le parti républicain au pouvoir a dû opter pour un plan plus radical qui va priver les adversaires de l’Amérique de leurs avoirs (obligations invendables) et aussi qui va les lancer dans des dépenses incontournables, à la fois pour sauver leurs propres industries, mais aussi pour sauver leurs obligations américaines de la faillite (efforts collectifs demandés par Paulson).
Tout le monde attendait une guerre contre l’Iran, l’Amérique surprend le monde par cette incroyable guerre d’un genre nouveau, sans bombe ni victime par balle, une crise qui rétame tous ses adversaires et provoque un nivellement.
Ce nivellement et aussi l’embrigadement de force (efforts collectifs) dans le plan du financement des dettes américaines (passées et présentes) lui permettent aussi de maintenir et même renforcer le processus de sanctions contre l’Iran (qui épuisera aussi bien les mollahs que les Européens).
In fine, les Américains pourraient atteindre leur objectif d’une entente avec les mollahs, grâce et au détriment des actuels partenaires de l’Iran ! Cette entente (ou sa variante avec les Talibans) permettra alors aux Etats-Unis d’accéder à l’Asie Centrale pour contrôler beaucoup de réservoirs et les prix avec un dollar qui aura entre temps retrouvé sa santé. Ce sera le jackpot permanent !
En attendant, nous paierons la facture.
Source : Iran-Resist.com
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[1] En plaçant les organismes soi-disant déficitaires sous leur tutelle, les Etats-Unis ont aussi pris le contrôle des livres de compte ce qui ne permet plus de savoir si les annonces étaient ou pas simulées.
[2] Les Chinois ont oublié leur propres leçons : 2008 est l’année du RAT
Cette année sera le moment où les efforts d’épargne sont très favorisés et où la prodigalité est sévèrement sanctionnée. Limitez donc vos dépenses au plus strict nécessaire, reportez à l’année suivante vos importants achats utiles mais non indispensables, sinon vous risquez de recevoir une grosse tuile sur la tête ! Pensez sérieusement à placer votre argent. Si vous envisagez des placements originaux, demandez au moins l’avis des experts….
Source : Asia Flash